Introduction

Carlos Cairoli s'installe à Paris après sa formation artistique à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Buenos Aires pendant laquelle il avait participé aux recherches du Groupe Expérimental d'Art Spatial de Lucio Fontana.

Dès son arrivée en 1952, il rend visite à Georges Vantongerloo. Ses aspirations confortées par ses discussions avec Torres-Garcia, l'inscrivent très vite dans la filiation des avant-gardes constructivistes et du néoplasticisme dont il prolonge l'utopie d'un art épuré et universel. En marge de son appartenance au salon des Réalités Nouvelles, ayant une conscience de l'importance de ces esthétiques pour l'évolution de la société, il adhère, à l'aube des années 1960, aux activités du groupe Mesure fondé par des héritiers du néoplasticisme, Georges Folmer et Jean Gorin et qui réunissait des personnalités comme Leo Breuer, Aurelie Nemours, François Morellet, Günter Fruhtrunk et Francesco Marino di Teana.

Depuis 1950 son œuvre s'appropriait un espace tridimensionnel. Collages, reliefs et sculptures lui permettent ainsi d'explorer avec des formes simples et géométriques, les répétitions et les rythmes qui introduisent une complexité temporelle dans leur perception. Cette dimension spatio-temporelle sera désormais à la base de toute sa création. C'est ainsi qu'en 1962, il est invité à participer aux grandes expositions internationales qui vont dessiner les orientations de l'Art Concret en Europe : Confrontatie & Confrontaties aux Pays-Bas et Experiment in Flasche und Raum à Zurich. Ces deux expositions qui réunissent les diverses avant-gardes principalement dans le domaine des recherches spatio-temporelles, vont avoir des conséquences considérables en affirmant l'utilisation de nouveaux matériaux déployés dans les quatre dimensions. Les œuvres plastiques échapperont alors désormais au cadre traditionnel de la sculpture.

Si la rigueur des recherches spatiales de Cairoli place ce dernier au cœur de cette révolution, très vite ses exigences intellectuelles lui font adopter une attitude critique vis-à-vis de ce qu'il perçoit comme une vulgarisation en contradiction avec la rigueur de son esthétique. Fort du soutien de personnalités aussi importantes que Wilhem Sandberg, il prend ses distances avec le marchandising naissant de l'art optique et de l'art cinétique. Il se coupe alors des rares galeries qui vont porter ces expressions sur le devant de la scène dans les années soixante au point d'en faire un phénomène planétaire.

Il épure alors son œuvre, renonce définitivement à la couleur, et se concentre sur les conséquences visuelles complexes induites par des blocs minimalistes en Altuglas rythmés à leur surface par quelques entailles parallèles. Entre le Minimal Art américain et l'art systématique de l'école de Zurich, Cairoli représente une troisième voie qui dans le domaine de la peinture comprenait en France une personnalité comme Aurelie Nemours avec laquelle il eut conjointement sa première exposition personnelle dans un musée à Pontoise en 1984.

Christophe Duvivier
Directeur des Musées de Pontoise